À quoi bon choisir entre poésie folk et puissance rock, entre liberté des seventies et tranchant des nineties, entre harmonies irlandaises et reliefs américains quand on peut tout entremêler et créer ainsi de nouvelles boutures ? Gunnar Ellwanger (chant, guitare), Jeff Preto (basse, chant), David Jarry Lacombe (batterie, chant) : la sève de Gunwood se distille à trois depuis les premiers pas d’un groupe qui, dans le sillage d’ensorceleurs des années 2010 comme Alabama Shakes, Feist ou les Black Keys, s’impose aujourd’hui en ciseleur de vibrations marquantes. Fort de la ribambelle d’éloges et de concerts qui avait logiquement suivi la sortie du saisissant Traveling Soul en 2017, le trio revient avec un deuxième album cousu de main de maître enregistré aux prestigieux studios ICP à Bruxelles et réalisé avec Jean Lamoot (Noir Désir, Alain Bashung, Brigitte Fontaine…). 2022 n’a plus qu’à se laisser guider par l’aura palpitante de Dream Boat JaneDream Boat Jane : voilà un titre intriguant, comme ce doux visage qui sur la pochette vous surplombe et vous happe. C’est le symbole de toutes les échappatoires existantes, que ce soit la drogue, la musique, la fête, le voyage… Une ode à l’évasion et une chanson-titre qui s’appuie sur une fièvre boogie blues et le tranchant d’une guitare slide pour s’élancer, comme grisée par plus de liberté. À l’image d’un nouveau disque conçu pendant d’étouffantes années 2020 et 2021 et qui permet à Gunwood d’élargir son spectre tant dans les compos que dans la production. Dream Boat Jane concrétise la maturité acquise par un trio dont l’approche à la fois enracinée et grande ouverte sur son époque lui permet de créer une musique devant laquelle s’effacent les étiquettes au profit de la profondeur des vibrations. Quand le musclé “Changing Out There” nous empoigne en pointant l’imprévisibilité de l’existence, c’est nimbé de la respiration haletante d’une guitare folk. Et si Gunwood exulte tout riff dehors sur les tendus “Shades” et “Rude Thing”, il relâche la pression en assumant un nouveau versant à travers plusieurs morceaux inspirés par des femmes. On imagine bien aussi l’effet du radieux “Dear Starlight”, ode à la bonté soulevée par un chœur celte généreux, et on visualise la portée de “Sparkles”, morceau introspectif qui s’appuie sur une rupture pour trouver un nouveau souffle. Et puis, tapie au cœur de l’album, il y a cette sacrée tranche de soul rehaussée de cuivres en fusion. Inspiré par les conséquences du tremblement de terre en Haïti en 2010, “Better Know Yourself Well” questionne la nature humaine et, au détour d’une requête, cristallise une partie de la réponse. C’est le genre de morceau qui illustre combien la voix de Gunnar, à travers sa puissance et ses fissures, charrie son lot d’expériences pour imprimer sa marque. Comme un feu ardent pour Gunwood qui continue de tracer sa route, ancré dans la terre et tourné vers les étoiles, mue par un souci du détail et une floraison à trois qui incite au lâcher-prise. L’histoire d’un cercle vertueux qui transporte en s’élevant.

1. Changing Out There
2. Dear Starlight
3. Share A Little Freedom
4. Grow
5. Dream Boat Jane
6. Bonfire
7. Better Know Yourself Well
8. Sunny Eyes
9. Shades
10. Sparkles
11. Ye Jacobites By Name
12. Rude Thing
13. Good Night Song

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