Vingt ans après la parution de Hawaï, l’album mythique du groupe Java, son chanteur, le parrain du rap musette, est enfin de retour. Après la floraison de copies frelatées, il revenait au défricheur de ce continent musical de remettre l’épandeur à l’huile. Écriture au cordeau, humour nonchalant, flow limpide, Erwan Séguillon, alias R.Wan, opère un retour aux sources tout en sonnant une charge conquérante. Acteur des sound systems dans les années 90, le chanteur caméléon n’a pas chômé au cours des deux dernières décennies. Il a fait le tour du monde avec son groupe Java, créé Radio Cortex (un concept de radio pirate conjuguant théâtre et musique), puis a produit le disque Paris Rockin’, rencontre entre le jamaïcain Winston Mac Anuff et les musiciens de Java. En 2012, il signe en solo chez Wagram l’élégant Peau Rouge puis fonde en 2015 avec Toma Feterman (La Caravane Passe) le groupe Soviet Suprem, qui le voit endosser le rôle de Sylvester Staline. Ensemble, ils portent la révolution du dance-floor, enflammant les scènes aux quatre coins de la planète sur des balkan-beat à la sauce militaro-punk. Entre deux opus, il sort en solo l’hypnotique Curling. Parallèlement, R.wan met ses talents d’auteur au service d’autres artistes (Alexis HK, Rachid Taha, Tiken Jah Fakoly, Karimouche, Babylon Circus…). En 2020, il nous offre un album luxuriant, organique, ouvert sur le monde mais bien enraciné dans le bitume. Épaulé par le réalisateur Jean Lamoot (Alain Bashung, Noir Désir, Brigitte Fontaine), Le Javanais offre une satire implacable du monde contemporain. S’il compte d’innombrables trouvailles, l’album célèbre aussi les premières amours d’R.wan, ces variations musette autrefois posées sur l’accordéon de son acolyte Fixi, qui donne à nouveau la mesure de son talent sur trois titres. On retrouve également  la voix surpuissante de Salif Keïta qui irradie la ballade mélancolique “Des Humains”. Voilà donc l’œuvre d’un artiste en pleine possession de ses moyens, qui bouscule le conformisme ambiant, rayant avec enthousiasme la surface d’un monde trop lisse. Dans cette charge insolite, l’ironie et l’évasion sont les moteurs d’une grande révolte poétique.

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