Il y a une petite anecdote cachée dans l’un des nombreux superbes documentaires sur l’artiste fondamental du 20e siècle Jean-Michel Basquiat concernant ses habitudes en studio. Alors qu’on observe des images inspirantes de Basquiat se précipitant d’une pièce à l’autre à coups de pinceaux rapides, une voix off dévoile qu’il n’était pas inhabituel pour lui de travailler sur plusieurs tableaux avec plusieurs postes de radio et de télévision allumés simultanément en arrière-plan. L’anecdote ne dure pas plus de quelques secondes mais cet élément semble être une des clés du squelette du travail néo-expressionniste de Basquiat. Il y a quelque chose en commun avec le style de création ouvert et multicanal que l’on trouve sur l’album solo Royal Green de Bryan Devendorf, le batteur de The National. Des signaux satellites, des voix étranges de documentaires télévisés perdus et d’opéras radiophoniques s’entremêlent, comme s’il utilisait ces marées interminables de médias et d’informations pour débloquer le subconscient. Même ses reprises de Bob Dylan, Fleetwood Mac, The National, The Beatles, sont telles des interprétations époustouflantes, bien que sataniques, d’hymnes connus de tous. A l’image du meilleur de Spacemen 3, Sparklehorse ou du groupe trop sous-estimé de San Francisco, Skygreen Leopards, la musique vous met mal à l’aise en un seul mouvement et vous berce de bonheur dans le suivant. C’est la particularité même du songwriting des outsiders de la pop. A l’opposé de tous les amphithéâtres et les festivals où Devendorf a pu jouer au cours de sa carrière, Royal Green sonne presque comme un désapprentissage et un nouvel amour pour des sons faits maison, trouvés, fracturés – un collage habile de détritus qui se transforme étonnamment en oeuvre magnifique et surréaliste. Mais on y trouve toujours des mélodies, ne serait-ce pas plus loin que “Frosty” qui pourrait être un démo délabrée enregistrée par Billy Corgan juste avant l’apparition des Smashing Pumpkins. Et la dream-pop légèrement déraillée de “Breaking the River” est aussi ravissante que sinistre. Et c’est probablement là que Devendorf veut nous emmener.

  1. If Not For You
  2. Breaking The River
  3. Baby, You’re A Rich Man
  4. What If You’re The Siek Passenger?
  5. Frosty
  6. Halo Chagrin
  7. Hallucinations
  8. Dreams
Poids 0.46 kg
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