Enregistré aux Caldwell Studios à Lubbock au Texas, la ville natale de Terry Allen, au cours de l’été 1980, deux ans exactement après que son chef-d’œuvre Lubbock (On Everything) sorti en 1979 se soit manifesté dans la même pièce bricolée, Smokin the Dummy est une suite féroce moins axée sur le concept mais plus unifiée sur le plan sonore et stylistique que son prédécesseur. Il est aussi plus brutal et plus bruyant, plus sauvage et surtout plus menaçant dans son aspect rock ‘n’ roll. C’était à dessein. Tout au long de l’année 1979, ils affinent leur son et resserrent leurs arrangements grâce à une série de performances en dehors de leur circuit habituel. Terry a cherché à exploiter la puissance de ce moteur collectif désormais bien huilé pour pousser ses chansons dans des territoires plus crus et plus rock. Premier album à présenter Terry Allen avec le Panhandle Mystery Band, Smokin’ the Dummy met en scène un nouveau groupe redoutable, en plein envol télépathique, propulsé telle une tornade, qui affine son style, élargit sa gamme et ne baisse jamais les yeux. Aux côtés des solides frères Maines – le producteur, guitariste et touche-à-tout Lloyd, le bassiste Kenny et le batteur Donnie – et du pilier Richard Bowden (violon, mandoline, violoncelle), le nouveau venu Jesse Taylor fournit une guitare solo foudroyante, prêtée par Joe Ely qui joue ici de l’harmonica. Les lignes de blues cinétiques de Jesse et son penchant pour le volume extrême – il était sourd d’une oreille suite à un accident de voiture quasi fatal – ont contribué à pousser ces enregistrements vers des tempos plus vifs et des attitudes plus dures. Terry était fiévreux pendant plusieurs jours de studio, souffrant d’une mauvaise grippe, ce qui explique en partie le côté littéralement fébrile de ses performances, qui transparaissent dans un brouhaha permanent. Les morceaux passent en revue les diverses obsessions de Terry et sont peuplés de personnages plus malhonnêtes les uns ques les autres. “Red Bird”, une chansonnette d’une simplicité trompeuse, combine deux fascinations de longue date, la Nouvelle-Orléans et le symbolisme des oiseaux. Il la considérait comme sa première “vraie” chanson digne d’être conservée, et elle est considérée comme la préférée de nombre de ses plus anciens amis, dont Bruce Nauman. “Roll Truck Roll” et “The Night Cafe” forment un diptyque de drames automobiles, avec des perspectives en contrepoint sur les cultures syndicales du camionnage et de la restauration. Une des deux seules reprises de la discographie de Terry Allen, “Whatever Happened to Jesus (and Maybeline) ?” interpole la complainte de Chuck Berry dans un gospel biaisé de son cru, une imbrication caractéristique du sacré et du profane. L’album se clôt avec “The Lubbock Tornado (I Don’t Know)”, en référence à la tornade dévastatrice de 1970, qui reprend la tradition vernaculaire américaine des ballades catastrophes et la transpose dans des espaces sinistres et hilarants, impliquant des conspirations gouvernementales, religieuses et extraterrestres. En 1980, comme en 2022, nous pouvons rationaliser n’importe quelle calamité avec des théories de conspiration. En d’autres termes, c’est de la musique américaine éternelle.

  1. The Heart of California (for Lowell George)
  2. Cocaine Cowboy
  3. Whatever Happened to Jesus (and Maybeline)?
  4. Helena Montana
  5. Texas Tears
  6. Cajun Roll
  7. Feelin Easy
  8. The Night Cafe
  9. Roll Truck Roll
  10. Red Bird
  11. The Lubbock Tornado (I Don’t Know)
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