Sasquatch Landslide, dernier opus fiévreux du trio égyptien The Dwarfs of East Agouza, n’est pas tant un album qu’un état d’errance sensorielle. À l’image de la créature floue de la blague culte de Mitch Hedberg – “Bigfoot is blurry! That’s extra scary!” – la musique ici ne manque pas de précision, elle s’y déploie autrement : en débordements, en dilatations, en halos de sons glissants. On ne regarde pas Sasquatch Landslide dans les yeux ; on défocalise, on s’y laisse glisser. Tout dans ce disque suinte l’improvisation luxuriante, l’élan non contenu : guitares, saxophones, synthés et percussions se superposent sans centre, sans hiérarchie, sans point d’ancrage. Les tempos s’effritent et se chevauchent, les grooves se tortillent comme dans un club invisible enfoui sous une jungle moite. Ce n’est plus vraiment du psychédélisme, mais son contrecoup saturé, sa traîne lumineuse baveuse. Une danse sans repère, sans haut ni bas, un joyeux vertige. Ici, le flou est fertilité. L’écoute devient expérience immersive, où tout semble émerger au milieu de quelque chose déjà en cours. Une transe qui refuse de se figer, un mouvement qui glisse sous vos pieds, un terrain toujours fuyant. Comme le Sasquatch lui-même : insaisissable, mythique, toujours en train de devenir. Sasquatch Landslide est une invitation à perdre pied, à lâcher prise, à entrer dans la houle.

Format

,