Après avoir été époustouflé par quelques morceaux, Samy Ben Redjeb s’est rendu dans la capitale somalienne en novembre 2016, faisant d’Analog Africa le premier label musical à s’installer à Mogadiscio. A son arrivée en Somalie, Samy s’est interrogé sur la nécessité de disposer d’une escorte armée de kalachnikovs pour l’accompagner chaque matin aux archives de la station de radio, mais il s’est ensuite mis à fouiller dans les piles de cassettes et à écouter des bandes audio dans les archives poussiéreuses de Radio Mogadiscio, à la recherche de musiques qui « nageaient à contre courant ». La chance était de son côté : une pile d’enregistrements non identifiés et non marqués a été découverte dans un coin encombré du bâtiment. Le colonel Abshir – l’employé principal et gardien des archives de Radio Mogadiscio – a précisé que la pile se composait principalement de musique que personne n’avait réussi à identifier, ou de musique qu’il décrivait comme étant « principalement instrumentale et étrange ». La pile s’est avérée être une corne d’abondance de sons différents : jingles radio, musique d’ambiance et intermèdes pour des programmes radio, des émissions de télévision et des pièces de théâtre. Il y avait aussi un bon nombre de morceaux disco, certains avaient été dépouillés de leurs paroles, les parties intéressantes avaient été enregistrées plusieurs fois puis coupées et rattachées ensemble en une longue boucle instrumentale groovy. Au cours des trois semaines suivantes, des séances nocturnes ont eu lieu derrière les murs fortifiés de Radio Mogadiscio, Samy et le personnel des archives ont mis en place la compilation Mogadisco: Dancing Mogadishu – Somalia 1972-1991. Comme partout en Afrique dans les années 1970, les hommes et les femmes portaient d’énormes afros, des pantalons évasés et des chaussures à plateforme. En ville on en parlait que de James Brown, Stevie Wonder, Marvin Gaye et des Temptations. En 1977, Iftin Band a été invité à se produire au festival Festac à Lagos où ils ont représenté la Somalie au Second World Black and African Festival of Arts and Culture. Non seulement ils sont revenus avec un prix, mais ils sont aussi revenus avec l’afrobeat. Le “Lady” de Fela Kuti allait devenir un tube à Mogadiscio. Au même moment Bob Marley initiait un mouvement reggae qui devint un véritable phénomène local au point d’être joué par la police et les militaires, une musique rapidement adoptée certainement en raison de la forte ressemblance avec le rythme traditionnel de la région ouest de la Somalie appelé Dhaanto. Puis le tsunami disco a touché le pays, Michael Jackson est apparu avec un nouveau son qui a révolutionné la scène live somalienne. La scène musicale de Mogadiscio a commencé à exploser grâce à quelques hôtels de luxe qui se sont mis à faire jouer des groupes live comme Iftin et Shareero’. Mogadisco ne fut pas le projet le plus facile d’Analog Africa. Retrouver les musiciens – souvent en exil dans la diaspora – pour les interviewer et recueillir des anecdotes sur l’époque dorée de Mogadiscio a été une entreprise qui a pris trois ans. Les récits de l’enlèvement du Dur-Dur Band, des bandes sonores de films enregistrées dans les sous-sols d’hôtels, des musiciens qui se font électrocuter sur scène, d’autres qui passent d’un groupe à l’autre dans des circonstances dramatiques, et des chanteurs soul qui se livrent une concurrence acharnée, sont des histoires incluses dans l’énorme livret 36 pages qui accompagne la compilation. On y trouve également pas moins de 50 images des années 70 et 80.

Version double vinyle de Mogadisco: Dancing Mogadishu – Somalia 1972-1991, la nouvelle compilation du label Analog Africa. Pochette gatefold incluant un livret grand format de 16 pages contenant  de nombreux textes et 50 photos.

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