Sur Approximately Infinite Universe, Yoko Ono ne se contente plus de transformer la douleur en art : elle l’empoigne avec rage. Sorti en 1973, cet album double marque un tournant dans sa discographie, par son intensité frontale et sa direction résolument rock. Là où Fly (1971) esquissait déjà un ancrage plus classique, Approximately Infinite Universe embrasse pleinement les codes du rock 70s — pour mieux les tordre. On y entend une énergie viscérale, des guitares musclées, des grooves tendus, et cette voix inimitable qui passe du murmure au cri sans prévenir. Mais c’est surtout l’attitude qui frappe : celle d’une femme en colère, lucide, sans compromis. Colère contre la guerre, contre les normes de genre, contre l’amour qui détruit. Si certains titres évoquent l’efficacité d’un E Street Band au féminin, Ono emmène son groupe dans des zones bien plus troubles et expérimentales. L’album devient ainsi un manifeste féministe avant l’heure, sans jamais sacrifier la puissance musicale à l’engagement. Œuvre essentielle dans le parcours d’une artiste trop souvent mal comprise, Approximately Infinite Universe impose Ono non seulement comme une pionnière de la performance et de la musique conceptuelle, mais aussi comme une rockeuse totale, à l’avant-garde d’un genre encore majoritairement masculin.