Si l’on pouvait se permettre cette irrévérence envers la grande Billie Holiday, on dirait que Lady in Satin sent le sapin autant que le satin. C’est l’avant-dernier album qu’elle enregistre, et le dernier sorti de son vivant. Billie Holiday rêvait alors d’une musique languide et surorchestrée, comme celle de Frank Sinatra à la même époque. Le chef d’orchestre Ray Ellis la lui offrira, taillée sur mesure avec quarante musiciens et Claus Ogerman, l’arrangeur spécialiste des panoramas orchestraux étirés. Un très luxueux et délicat écrin pour le chant de Billie Holiday, qui pourtant semble trembler de froid à chaque seconde. Sa voix est reconnaissable, mais elle est usée, asséchée, elle a perdu son ronronnement feutré. L’ombre fragile de ce qu’elle a été. Cette musique indécente d’élégance et de grandeur ne fait que plus ressentir le contraste avec une voix décatie et solitaire. C’est beau, mais c’est triste.
