Sonescent, le nouvel album de Matchess, est venu à l’esprit de Whitney Johnson alors qu’elle se trouvait au centre de méditation Dhamma Vaddhana, juste au nord de Joshua Tree, pendant un cours de méditation Vipassana. Il s’agit d’une période de dix jours qui exige, entre autres codes de discipline, la pratique du Noble Silence : silence du corps, de la parole et de l’esprit. Alors que cette pratique s’installe en elle et autour d’elle, Whitney entend les choses sur lesquelles elle ne se concentre pas toujours : d’abord, l’acouphène… puis, la respiration… les battements du cœur, et une autre pulsation (quelque chose d’inconnu, mais familier). Elle a donc écouté le son de son corps. Après un certain temps, son esprit s’est impliqué, et elle a commencé à entendre des chansons. Mais comme elle respectait ses vœux, elle n’a pas pu les écrire, les chanter et les enregistrer. Ce n’est qu’après son retour du désert qu’elle a écrit ce qu’elle avait entendu, du mieux qu’elle a pu. Cette expérience rappelle le sentiment que Whitney a eu après avoir travaillé comme assistante d’installation à la Dream House de La Monte Young et Marian Zazeela en 2016. Pendant cette période, ils ont accroché Ahata Anahata, Manifest Unmanifest X de Jung Hee Choi. Le processus et l’esthétique dont elle a été témoin là-bas se sont installés en elle, changeant tout sur leur passage. L’expérience de la méditation Vipassana a été ressentie comme un autre passage de ce type, destiné à résonner longtemps et profondément. Elle a décidé de composer les chansons du désert pour que d’autres musiciens les interprètent, ce qui est différent des précédents enregistrements de Matchess, où elle jouait et chantait toute la musique elle-même. Ce processus a pris beaucoup de temps ; d’abord l’écriture des morceaux, tirés d’elle-même sur la base de sa seule mémoire. Ensuite, réunir tout le monde pour jouer la musique. Une fois qu’elle les avait tous capturés, il lui a semblé juste de replacer les sons là d’où ils venaient – un espace silencieux, dans lequel les chansons s’immiscent parfois à peine, comme si elles étaient entendues de très loin. Au cours de la dernière décennie, la musique de Matchess a traversé l’espace extérieur et intérieur, cherchant patiemment le monde invisible qui existe derrière celui que nous voyons tous les jours. Comparée à cette oeuvre là, la trilogie d’albums parus sur Trouble In Mind de 2013 à 2018 utilisait les capacités d’écriture et de jeu de Whitney avec une relative extraversion ; ses mixages déployaient activement les instruments et les chansons dans ce que l’on pourrait appeler une manière traditionnelle, la musique puisant magiquement dans les antécédents classiques, folk, électroniques et psychédéliques. Écouter ces disques, c’est entendre quelqu’un en pleine méditation faire de la musique. Avec Sonescent, le disque est le son de la méditation elle-même, la musique existant dans une atmosphère qui représente bien sa nature fragile, le son délicat de quelque chose de presque complètement désintégré. Ici, elle s’est inspirée des disques pop de John Cale et de la musique de Phill Niblock et d’Éliane Radigue. Le rendu des chansons dans le mixage est pour le moins discret. Pour le silence du monde invisible absorbant le monde des chansons, Whitney a utilisé des ondes sinusoïdales binaurales, le synthé ARP Odyssey, des boucles et des techniques de mixage sans entrée. Le montage et le mixage de ce contenu le rendent drapé de gaze, de fumée et de chuchotements – une exquise semi absence. Dans la tradition de Matchess, le titre de l’album est un mot qui n’existe pas, mais qui se rapporte à quelque chose que nous reconnaissons comme ayant une définition. “Sonescent” représente la musique dans les dernières étapes de sa vie, et les 36 minutes ici sont actives comme il se doit, couvrant un univers de sensations sondant doucement la bulle de notre perception, les esprits du monde extérieur, prêts à nous recevoir.

1. Almost Gone
2. Through The Wall

Poids 0.46 kg
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