Steve Albini s’est souvent comporté comme le personnage le plus grognon de la scène musicale américaine. Un trait de caractère hautement perceptible sur ce troisième album de Shellac, 1000 Hurts, chef‑d’œuvre noise rock paru en 2000, où l’on sent suinter tout du long la colère d’Albini. Il faut dire que intégrité et authenticité sont les principaux carburants de cet homme. Selon les mots du groupe, 1000 Hurts est un disque « dépourvu de chansons de 12 minutes » et « plus mesquin » que les précédents. Le jeu est direct, violent, tout comme le batteur, Todd Trainer, qui donne l’impression de frapper ses fûts avec de véritables bûches. Une expérience immédiate, puisque l’album s’ouvre sur le bouillonnant “Prayer To God”, titre de moins de trois minutes où la voix rêche de Steve Albini ne s’encombre d’aucune métaphore. Il en appelle ici au Tout-Puissant pour régler ses problèmes de couple et évoque l’amant de sa femme: “Kill him, just fuckin kill him” éructe-t-il. Véritable fil rouge, on retrouve l’influence de son divorce sur “Canaveral”, où il s’en prend une nouvelle fois à l’homme responsable de son cocufiage. Le rock de la fin des années 80 n’est pas très loin, “Mama Gina” est dans la lignée des Pixies période Surfer Rosa (enregistré par Albini), alors que “Watch Song” nous propose un riff de guitare semblable à celui entendu sur “Kool Thing”, de Sonic Youth. Shellac nous offre un album d’une violence inouïe, véritable exutoire pour un Steve Albini plus remonté que jamais.

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