
Voici notre podium des 20 LP les plus marquants de 2025
distribués par MODULOR et sélectionnés par les membres de notre équipe.
On vous souhaite une belle fin d’année !
CHAT PILE – In The Earth Again (Computer Students – 31/10)
L’immensité du cœur des États-Unis, à la fois pittoresque et désolée, sert de décor idéal au nouvel album collaboratif In the Earth Again de Chat Pile et Hayden Pedigo. Entre les routes interminables et les petites villes oubliées de l’Oklahoma, le duo capture la beauté tragique et la tension d’un paysage presque post-apocalyptique, mêlant la puissance brute du noise rock de Chat Pile aux paysages sonores délicats et métalliques de Pedigo. Ce projet naît de la rencontre entre des univers apparemment opposés : Chat Pile, avec ses rythmes sludgy et ses textes introspectifs, et Pedigo, maître de la guitare fingerpicking et des textures folk expérimentales. Sur trente-six minutes, In the Earth Again oscille entre tonalités rurales, agressions sonores et moments de catharsis tragique. L’album offre un portrait immersif de la décadence sociale, à la croisée des chemins entre apocalypse active et silence après la tempête, et marque un nouveau chapitre audacieux pour les deux artistes dans leurs discographies respectives.
WEDNESDAY – Bleeds (Dead Oceans – 23/08)
Après l’extraordinaire Rat Saw God, les Américains de Wednesday injectent une dose de mélancolie folk dans le noisy-rock de leur sixième opus studio, l’éclectique Bleeds.
Le combo d’Asheville opère aujourd’hui une mue quasi radicale dans son approche mélodique. Le rock downtempo rugueux de Real TV Argument Bleeds laisse pourtant l’impression que cet album sera dans la lignée de son prédécesseur. Mais la power pop « façon Frankie Cosmos » du tubesque Townies et du langoureux Wound Up Here marque très vite une rupture avec le passé harmonique du sextette de la Caroline du Nord. Plus rien ne fait alors peur à la voix tantôt suave tantôt tranchante comme une lame de rasoir de Karly Hartzman et à l’audace musicale de ses acolytes. La formation Américaine aborde ainsi avec aisance plusieurs genres, la country d’Elderberry Wine, de Phish Pepsi et du terminal Gary’s II, la noisy-pop de Candy Breath, la saturation incandescente du garage rock de Wasp, le spleen des ballades The Way Love Goes, Pick Up That Knife et Carolina Murder Suicide, et le rock tout simplement de l’addictif Bitter Everyday.
mark william lewis – mark william lewis (A24 Music – 12/09)
Premier artiste indépendant signé par A24 Music, le Londonien Mark William Lewis s’impose avec un album éponyme déjà salué comme l’un des meilleurs de 2025 (Vulture). Entre ballades lentes et grooves indie rock feutrés, il déploie une palette musicale subtile, à la croisée du slowcore, de la leftfield pop, du folk rock et de l’ambient, portée par une production sobre et cinématographique. Figure montante de la scène underground londonienne, Lewis façonne une œuvre introspective et sensorielle, où les émotions les plus brutes prennent corps dans une esthétique minimaliste et raffinée. Peu enclin aux confidences publiques, il murmure ses tourments d’une voix grave et voilée, explorant l’aliénation, l’intimité et la complexité des environnements urbains à travers des textes impressionnistes, soutenus par des guitares brumeuses, de l’harmonica, une basse profonde et des percussions feutrées. Après les EPs Pleasure is Everything et God Complex (2022), puis l’album Living (2023), ce nouveau disque prolonge une trajectoire artistique marquée par une grande cohérence formelle. En parallèle, Sparkles 22–24 compile des morceaux inédits enregistrés ces dernières années, offrant un contrepoint plus brut et fragmentaire à cette sortie majeure.
SEXTILE – Yes please (Sacred Bones Records – 02/05)
Certains groupes trouvent leur voie et s’y tiennent, d’autres se réinventent constamment. Sextile appartient à cette dernière catégorie, embrassant le frisson d’une feuille de route en constante évolution. Le duo de Melissa Scaduto et Brady Keehn, originaire de Los Angeles, crée de la musique avec une soif de vivre, avec des inspirations allant de la no wave au hardstyle. Leur nouvel album, yes, please, pousse leur son vers de nouveaux territoires audacieux, fusionnant une électro anarchique avec des souvenirs personnels bruts – et suffisamment de basses musclées pour faire exploser un ou deux haut-parleurs. yes, please. est un disque de dance music bourré d’action, rempli d’effets délirants et enivrants, mais c’est en même temps un un hommage à la vie et à la volonté de ne jamais regarder en arrière. En s’ouvrant à une nouvelle façon de faire de la musique, Sextile a réalisé son album le plus créatif à ce jour. Mais on sait aussi qu’ils ont encore beaucoup à donner. Pour les fans de Fcukers, Brutalismus 3000, Kumo99, Miss Kittin, Model/Actriz, Mandy, Indiana, Giant Swan, Underworld.
HILARY WOODS – Night Criu (Sacred Bones Records – 31/10)
Après deux albums instrumentaux acclamés, Feral Hymns (2021) et Acts of Light (2023), Hilary Woods revient au chant avec Night CRIÚ. Ce nouveau disque marque une réappropriation de sa voix, qu’elle a dû réapprendre à utiliser, en plaçant l’harmonie vocale et la mise en avant des mots au cœur de sa démarche. L’album, composé de sept titres, explore l’intime comme un chemin pour rendre conscient l’inconscient. Night CRIÚ se présente comme une cérémonie de lumière et d’ombre, un espace où se mêlent vulnérabilité et intensité sonore. Hilary Woods y intègre des fragments dispersés, des zones oubliées ou fragiles qui ressurgissent la nuit pour être réintégrées au grand jour. L’album exprime à la fois la perte d’une innocence et une résistance face à une culture dominante uniformisante, à travers une palette sonore qui fait dialoguer voix, cordes, cuivres, électronique, piano et enregistrements de terrain. Produit et écrit par Hilary Woods, mixé par Dean Hurley avec des collaborations de musiciens tels que Gabriel Ferrandini et le Hangleton Brass Band, Night CRIÚ se veut à la fois un repère et une libération.
HECTOR COSTITA – 1981 (Jazzybelle Records & Modulor – 07/11)
Né à Buenos Aires en 1934, Hector ‘Costita’ Bisignani est l’une des grandes figures du jazz latino-américain. Installé à São Paulo à la fin des années 1950, il s’impose rapidement comme l’un des flûtistes et saxophonistes les plus renommés du Brésil, collaborant avec des artistes majeurs tels que Sérgio Mendes, Elis Regina, Hermeto Pascoal, João Donato ou encore Gato Barbieri. Son parcours l’a également conduit à jouer aux côtés de Michel Legrand, Lalo Schifrin, Burt Bacharach et Ray Conniff, témoignant de son rayonnement international. Membre fondateur du Sexteto Bossa Rio de Sérgio Mendes, il a contribué à l’essor du jazz brésilien en y intégrant des rythmes locaux et une écriture audacieuse. Son rôle de pédagogue est aussi salué, faisant de lui une référence respectée par plusieurs générations de musiciens. Avec plus de 70 ans de carrière, il demeure une figure pionnière dans l’histoire du jazz d’Amérique latine. Son album 1981, aujourd’hui réédité, illustre parfaitement cette liberté créative. Enregistré dans l’esprit foisonnant des années 1970 et 1980, il marie baião, jazz-funk et soul brésilienne. Porté par son saxophone, sa flûte et son clarone, et soutenu par son groupe du Gallery Club, ce disque rare incarne l’énergie vibrante d’une scène où l’expérimentation et la virtuosité allaient de pair.
NUSANTARA BEAT – Nusantara Beat (Glitterbeat – 14/11)
Le très attendu premier album du collectif psych-folk indonésien basé à Amsterdam, Nusantara Beat, est enfin arrivé. Après avoir bâti une réputation grâce à des performances live captivantes et une série de singles acclamés (Bongo Joe Records), ce disque éponyme étend une vision musicale déjà puissante. Onze titres originaux plongent dans les racines indonésiennes du groupe, mêlant mélodies folk hypnotiques, Indo-pop vintage, grooves psychédéliques et textures contemporaines. Le nom du groupe n’est pas anodin : « Nusantara » désigne l’archipel indonésien et symbolise l’unité des cultures, résumant parfaitement la démarche musicale du collectif. Nusantara Beat, né de la scène musicale d’Amsterdam, réunit des musiciens d’héritage indonésien, dont le bassiste Michael Joshua originaire de Java occidental. Les percussions du gamelan javanais et balinais, le kecapi ou les gongs enrichissent un univers musical à la fois éthéré et moderne, tandis que certaines pistes comme « Bakar » ou « Di Pantai » brillent d’une énergie contemporaine. Les textes abordent les complexités de l’amour moderne avec une sensibilité pop douce-amère. Nusantara Beat signe un collectif unique, où audace et respect de l’histoire folk indonésienne se mêlent avec élégance et fraîcheur.
PARK JIHA – All Living Things (Tak:Til – 14/02)
Park Jiha, compositrice et multi-instrumentiste coréenne acclamée, crée une musique patiente et immersive qui illumine l’essence et la texture du monde naturel et vivant. Sur son quatrième album, All Living Things, sa maîtrise des instruments traditionnels coréens est intimement mêlée à des compositions profondément personnelles et à une utilisation habile des sonorités contemporaines. Des termes tels que « post-classique », « ambient » ou même « cinématique » sont utiles, mais ils ne font qu’effleurer l’univers sonore chatoyant et contemplatif de cet album. Bien sûr, il y a des allusions au minimalisme dans les délicats motifs répétitifs et les cycles percussifs. Et bien sûr, la musique traditionnelle coréenne sert de base. Mais on y trouve aussi le souffle rêveur de l’ambient, la sincérité spirituelle du New Age, la précision formelle de la musique classique contemporaine et la spontanéité du jazz expérimental.
BARKER – Stochastic Drift (Smalltown Supersound– 04/04)
Le premier album de Barker, Utility (sur le label Ostgut Ton de Berghain), a fait sensation dans le monde de la musique électronique à sa sortie. Utility a figuré sur de nombreuses listes de Best of 2019 à la fin de l’année, notamment celles de Pitchfork (8,2), The Quietus, DJ Mag et d’autres. Il a également été élu Album de l’année 2019 par Mixmag. Aujourd’hui, il est enfin temps de sortir la suite, Stochastic Drift, sur Smalltown Supersound. Sur Stochastic Drift, il pousse l’approche de Utility encore plus loin ici en créant – comme le titre le suggère – une dérive stochastique rêveuse et un magnifique flottement de forme libre.
MEI SEMONES– Animaru (Bayonet Records – 02/05)
Mei Semones – autrice-compositrice-interprète et guitariste virtuose de 24 ans basée à Brooklyn – sort son premier album, Animaru, sur Bayonet Records. Après les « chansons élégantes, flexibles et rusées » (New York Times) de Kabutomushi, Animaru est l’incarnation de la confiance plus profonde de Mei en son instinct. L’album est une collection de morceaux musicalement impressionnants où Mei semble plus aventureuse, plus vulnérable et plus confiante que jamais. Le cœur de l’album réside dans l’équilibre habile entre tension et relâchement que Mei et son groupe ont su trouver. Souvent, au sein d’un même morceau, des moments de guitare acoustique épurée, agrémentés des vocalises contagieuses de Mei, se transforment en un clin d’œil en des vagues orchestrales de cordes et de rythmes de guitare complexes. Animaru illustre le large éventail de talents de Mei en tant qu’autrice-compositrice et musicienne, et comprend certaines des chansons les plus difficiles et les plus simples qu’elle ait jamais écrites. Pour les fans de Ichiko Aoba, Laufey, Frankie Cosmos, Faye Webster, American Football, Sidney Gish.
NATHAN SALSBURG – Ipsa Corpora (No Quarter – 13/06)
Ipsa Corpora est un chef-d’œuvre de 40 minutes à la guitare solo et le premier disque entièrement acoustique de Nathan Salsburg depuis Third en 2018. Nathan Salsburg a passé les dernières années à explorer le temps et l’espace avec sa série transcendante Landwerk (composée de guitare électrique et de samples de vieux disques 78 tours), et un album collaboratif avec Bonnie « Prince » Billy où les deux reprennent Lungfish (chaque morceau atteignant la barre des 20 minutes). Ipsa Corpora poursuit ces exercices de retenue minimaliste et pourrait bien être son projet le plus ambitieux à ce jour.
CLIPPING– Dead Channel Sky (Sub Pop – 14/03)
Sub Pop sort le sixième album de Clipping, Dead Channel Sky, le projet hip hop cyberpunk tant attendu du groupe. Alors que leurs derniers projets étaient des concepts longs comme des disques de prog rock classique, Dead Channel Sky est une mixtape, une collection de chansons soigneusement sélectionnées où chaque morceau est une lettre d’amour à un possible présent. Sur Dead Channel Sky, Clipping fait la synthèse des deux histoires du hip-hop et du cyberpunk dans un présent alternatif où Rammellzee et Bambaataa sont les super-héros d’antan ; où Cybotron et Mantronix sont les légendes en titre ; où Egyptian Lover et Freestyle sont débattus sans fin, et où Ultramag et Public Enemy sont les ancêtres indéniables ; où les mouvements perdus des années 1980 et 1990 sont toujours d’actualité : rave, trip-hop, hip-house, acid house, drum & bass, big beat – les détritus d’une autre époque, les survivants d’une guerre audio armée. Dead Channel Sky comprend des apparitions de Nels Cline, Bitpanic, Tia Nomore, Aesop Rock et Cartel Madras. L’album a été produit et mixé par Clipping et Steve Kaplan et masterisé par Levi Seitz. Pour les fans de Rammellzee, Cybotron, Mantronix, Egyptian Lover, Ultramagnetic MCs, Public Enemy, rave, trip-hop, acid house, drum & bass, big beat.s.
NOUS ETIONS UNE ARMEE – Mais Le Ciel Est Sublime (20/09)
Après deux EP cette année, une première date complète au Point Éphémère, un passage par Musilac et les Francofolies cet été, une émission Côté Club dédiée sur France Inter, une session Basique et un coup de cœur Libération, ‘nous étions une armée’ dévoile enfin son premier album. Dans des refrains entraînants à l’énergie rock, la voix scandée hurle à la beauté du monde, conjurant la noirceur de couplets hantés par les souvenirs, portés par une basse électrique et une rythmique post-punk. Remarqué aux iNOUIS du Printemps de Bourges, aux Bars en Trans, puis au MaMA Festival, le groupe a fait les premières parties de Feu! Chatterton, Benjamin Biolay et Terrenoire. Il se produira à la Maroquinerie en son nom en novembre.
HITOMI « PENNY » TOHYAMA – Tokyo Funk Diva (Wewantsounds 28/11)
Hitomi « Penny » Tohyama est l’une des chanteuses clé de la scène funk et boogie japonaise des années 1980. Née à Okinawa en 1957 et ayant grandi en partie en Californie, elle développe un style cosmopolite qui allait marquer son style musical. Au moment où la scène pop japonaise évoluait vers des productions funk sophistiquées, Penny façonne une esthétique singulière mêlant boogie, disco et funk, portée par une interprétation pleine de rythme et profondément classieuse. Ses albums enregistrés pour Nippon Columbia durant la décennie 80 capturent parfaitement l’essence de cette période vibrante, alliant un savoir-faire de haut niveau en studio aux pulsations de la vie nocturne tokyoïte. La sélection réunit des titres culte de la chanteuse tels que « Sexy Robot », « Love Is the Competition » et « Instant Polaroid », ainsi que des perles plus rares comme « Exotic Yokogao » ou « I Love You Shika Omoitsukanai ». Avec son mélange de productions soignées, de rythmes irrésistibles portés par la voix irrésistible de Penny, Tokyo Funk Diva est une introduction idéale au groove d’une des reines du funk japonais.
DE FRANK KAKRA– Finding de Frank (Rastapastarecords – 30/05)
On ne sait pas grand-chose sur l’artiste connu sous le nom de De Frank Kakra – encore moins sur son nom de naissance et d’où il vient précisément.
Quelques notes de pochette disséminées dans ses disques donnent un aperçu de sa carrière en tant que choriste et percussionniste sur la scène highlife des années 1970 au Ghana, notamment avec Vis-A-Vis, le groupe de K. Frimpong (Cubano Fiestas). Initiateur de plusieurs groupes dont The Professionals et The Diggit Ways, aux côtés de Sammy Copper, enregistrant dans toute l’Afrique de l’Ouest, RastaPastaRecords a déniché ses albums méconnus du grand public pour en faire une compilation 3xLP. Audio remasterisés, note de pochette, sous-pochettes imprimées. Deluxe trifold.
COSMIC TONES RESEARCH TRIO – The Cosmic Tones Research Trio (Mississippi Records – 24/10)
All Is Sound ne pourrait être un titre plus approprié. Grâce au saxophone, au violoncelle, au piano et aux flûtes, The Cosmic Tones Research Trio, groupe de spiritual jazz de Portland mené par Roman Norfleet, crée un disque d’une grande beauté. All Is Sound innove. Au fond, il s’agit de musique de guérison/méditation, mais les racines du gospel et du blues sont également présentes… ainsi que des touches de jazz spirituel tourné vers l’avenir. Un disque aussi sincère que possible. Dans All is Sound, des mélodies délicates et profondes créent des paysages sonores paisibles et immersifs, que le groupe développe grâce à son expérience combinée de l’écologie acoustique, de la méditation sonore, de la pleine conscience et de l’engagement communautaire actif. Suivant les traces de musiciens tels que Sun Ra, Alice Coltrane et Pharoah Sanders, le Cosmic Tones Research Trio propose une musique à la fois réparatrice et riche sur le plan sonore – chaque son tombant parfaitement à sa place, comme par magie.
RUNO PLUM– Patching (Winspear – 14/11)
« Patching », le premier album intimiste de la chanteuse et auteure-compositrice originaire du Minnesota, runo plum, saisit avec grâce la contraction, l’expansion et la libération d’une période intense de reconstruction émotionnelle, à travers un indie rock doux et rayonnant. Déclaration de début de carrière née d’un cœur brisé, patching regorge de moments sonores riches qui viennent combler les vides émotionnels, transformant une fin en ouverture. La sincérité sans retenue de l’album n’est pas nouvelle pour runo plum, qui écrit et partage discrètement depuis cinq ans ses récits folk complexes depuis sa chambre. Avec Lutalo, musicien et producteur originaire du Minnesota mais basé au Vermont, ainsi que Noa Francis, collaboratrice, instrumentiste et compagne de runo, le trio a centré l’enregistrement sur le timbre chaleureux et patiné d’une guitare acoustique centenaire et sur la voix enveloppante de runo. Sur les douze titres de l’album, runo plum dessine des arcs mélodiques qui tourbillonnent et s’effondrent, créant des chansons qui capturent autant les sommets flous que les creux bleus profonds des cycles naturels qui font tourner le monde. Entre délicatesse et intensité, patching dévoile une palette émotionnelle complète, où chaque note semble résonner de manière intime et authentique.
EL MICHELS AFFAIR– 24 Hr Sports (Big Crown Records – 05/09)
Avec 24 Hr Sports, Leon Michels signe un retour remarqué sous l’alias El Michels Affair. Plus vocal que jamais, cet album marque une évolution dans la discographie du producteur new-yorkais, connu pour sa soul instrumentale aux accents cinématographiques. Puisant dans l’esthétique visuelle des magazines Sports Illustrated des années 80-90, les Special Herbs de MF DOOM ou encore le gospel de Pastor T.L. Barrett, Michels bâtit ici un objet sonore à la fois dense, vibrant et cohérent. Entouré d’un casting international, il invite notamment Clairo, Florence Adooni, Shintaro Sakamoto, Norah Jones ou encore Rogê, chaque voix apportant sa couleur à ce patchwork élégant de soul psyché, funk vintage, dub, gospel et pop expérimentale. Michels prend aussi le micro sur « Shining », dévoilant une facette plus intime de son projet. Audacieux, généreux, et toujours finement arrangé, 24 Hr Sports confirme le statut de Leon Michels comme l’un des artisans les plus inventifs de la soul contemporaine. Un album riche, porté par une ambition esthétique rare.
LUCRECIA DALT – A Danger To Ourselves (Rvng Intl. – 05/09)
Dummy est un groupe de rock de Los Angeles dont le premier album Mandatory Enjoyment sorti en 2021 s’est attiré les louanges de Pitchfork, Stereogum et bien d’autres. Le groupe a passé deux ans en tournée et c’est cette expérience transformatrice qui transparaît dans leur deuxième album Free Energy. Dummy voulait devenir plus dur, plus dansant, plus psychédélique pour son prochain album. Il s’agissait d’appliquer le potentiel exploratoire des textures électroniques aux qualités élémentaires du rock, c’est-à-dire de faire plus de boucles vocales, de samples, avoir des rythmes plus fous et des synthés ludiques, de faire plus de musique. Le résultat est un disque qui célèbre la capacité de la musique à faire bouger le corps, que ce soit à travers un mur de bruit MBV-esque, un refrain pop collant, ou une boîte à rythmes joyeuse.
SHARP PINS– Balloon Balloon Balloon (K Records – 28/11)
Fall in Love Again avec Balloon Balloon Balloon. Le mot qui vient immédiatement à l’esprit face à l’univers pop écrasant de Sharp Pins de Kai Slater est « soumission ». Seule la soumission permet de comprendre cet univers : se soumettre à l’amour, se soumettre au rock. Le pouvoir d’un jeune homme armé de sa guitare pour créer un pop-rock impeccable se révèle ici dans toute sa splendeur, rejoignant un panthéon d’icônes auquel il s’associe avec ce disque. Il est normal de ressentir d’abord de la colère. On a tous reproché à Big Star de trop se rapprocher des Beatles, et on pourrait en faire autant avec Sharp Pins, qui ajoute même une touche de Guided by Voices. Mais Slater, avec son 12 cordes et son obsession infatigable pour la pop, réussit ce que peu peuvent : reprendre ces influences tout en imposant son propre univers. Des morceaux comme « Queen of Globes and Mirrors », « I Don’t Have the Heart » ou « (I Want to) Be Your Girl » semblent intemporels, comme s’ils avaient été extraits d’une bande perdue des Beatles, brouillant les époques et les origines. Mais ce que Slater apporte est entièrement le sien. Une sensibilité d’écriture ineffable, capable de transformer les emprunts en création authentique. À la fin de l’album, toute colère ou incrédulité s’évanouit : Sharp Pins est réellement exceptionnel. Fall in Love Again construit un monde ponctué de petites pépites pop, si simples et parfaites qu’elles nous rappellent qu’un autre monde est possible.